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Entretien avec CryptoVantage : L’idée de conserver des Bitcoins dans une banque est-elle en contradiction avec leur objectif ?
Si le Bitcoin a été créé pour se substituer au système financier traditionnel, est-ce un sacrilège de conserver des BTC dans une banque ?
Il s’agit d’une question pour le moins épineuse qui touche à la philosophie fondamentale des monnaies numériques et à leur raison d’être. Si certains sont plus ou moins d’accord avec l’idée selon laquelle le Bitcoin peut coexister avec les monnaies fiduciaires, il ne fait l’ombre d’aucun doute que Satoshi Nakamato n’était pas satisfait de la structure financière traditionnelle du monde et qu’il pensait qu’il pouvait y apporter des améliorations majeures.
Examinons de plus près cette question pour le moins complexe.
Comment en est-on arrivé là ?
On entend souvent dire que le Bitcoin fonctionne de manière apolitique et indépendante de la race, de la religion, de l’orientation sexuelle ou de la situation géographique de chacun des utilisateurs. Il ne peut fonctionner et résister à la censure que s’il fonctionne pour tout le monde, quel que soit le profil de chacun.
Si ce discours est sans doute fondé et constitue l’essence même du fonctionnement de Bitcoin, affirmer qu’il est apolitique n’est pas tout à fait exact. Nous le savons parce que Satoshi Nakamoto nous l’a expliqué.
L’idéologie politique derrière le Bitcoin ne cadre pas avec celle d’un parti politique ou s’inscrit pas dans un cadre traditionnel. Elle est plutôt fondée sur un problème unique qui est direct et centré sur le caractère corrosif de la structure financière actuelle des banques centrales.
Encore une fois, nous le savons parce que, dans le bloc de genèse de la blockchain Bitcoin, Satoshi a laissé un message à ce sujet.
Le message est court, succinct et sans équivoque. Le Bitcoin a pour mission de faire disparaître l’infrastructure bancaire actuelle de l’échiquier.
Pourtant, au vu du taux d’adoption grandissant du Bitcoin et du fait qu’il est plus en plus accepté, il ne faudra pas s’étonner de voir que les banques et les institutions sont de plus en plus disposées à se poser en tant que dépositaires de confiance de cette nouvelle monnaie. De ce que nous savons des intentions de Satoshi Nakamoto contenues dans le bloc de genèse, nous sommes en droit de nous demander si le fait qu’une personne thésaurise des Bitcoins dans une banque traditionnelle n’est pas contradictoire avec l’objectif du Bitcoin.
Demande de dépositaires
Le Bitcoin a été et est conçu pour fonctionner comme un système de paiement électronique de pair à pair. Son architecture élimine effectivement le besoin d’intermédiaires tiers, tels que les banques. Depuis toujours, les particuliers ont recours aux banques pour conserver leurs fonds et les transférer d’un compte à l’autre ou pour utiliser de l’argent liquide en personne.
Depuis l’avènement du Bitcoin, toutes les frictions qui existent entre les banques et les pays étrangers ne cessent de s’estomper. Les individus peuvent effectuer des transactions directement entre eux, n’importe où sur la planète, sans avoir besoin de l’approbation de qui que ce soit. C’est pourquoi le Bitcoin est une invention de rupture.
Toutefois, la liberté procurée par l’élimination des banques de l’échiquier s’accompagne également de quelques exigences, à savoir la responsabilité de l’autodétention. En éliminant les banques, les individus deviennent effectivement leurs propres banques et sont eux-mêmes responsables du stockage sûr et sécurisé de leurs Bitcoins. Ce concept a de quoi en effrayer plus d’un, et c’est en grande partie la raison pour laquelle de nombreuses personnes qui découvrent le Bitcoin sont attirées par les plateformes de dépôt qui conservent leurs clés privées à leur place. Cette tendance ira très probablement en s’amplifiant à mesure que de plus en plus de profanes en matière de Bitcoins et de crypto-étrangers intègrent le système.
La tendance consistant à privilégier les dépositaires tiers est particulièrement répandue sur les marchés connus depuis toujours pour leur stabilité et où la confiance dans les institutions ne souffre d’aucun doute. Il en est de même dans les pays où les banques n’ont pas provoqué d’hyperinflation ou spolié les utilisateurs de leurs fonds et où le pouvoir est transféré de manière pacifique d’un gouvernement à l’autre.
Pourquoi une personne qui fait confiance au système hésiterait-elle à confier à sa banque des Bitcoins similaires à ses devises si elle n’a jamais rencontré de problème à ce jour ?
L’objectif du Bitcoin
Le Bitcoin fonctionne précisément sur le principe selon lequel vous n’avez pas à faire confiance. C’est la raison pour laquelle une personne vivant dans une économie historiquement stable n’en aurait pas besoin. Le Bitcoin est considéré comme un réseau « trustless » (sans besoin de confiance). Aucune personne, aucun gouvernement, aucune institution ne peut altérer ou modifier son code sans le consentement de la communauté. Il vous suffit de vous référer au code, ce que tout le monde peut faire, pour être assuré que vos transactions sont sûres et exactes.
L’architecture de Bitcoin est conçue pour rester immuable, résistante à la censure et insaisissable. Tant que l’utilisateur garde le contrôle de ses clés privées, ces principes fondamentaux restent valables pour lui. Les problèmes commencent à se poser lorsque les utilisateurs commencent à collaborer avec des tiers.
Le problème des dépositaires tiers
L’on observe une tendance inquiétante de l’histoire récente des plateformes de dépôt centralisées qui proposent de détenir des Bitcoins pour le compte de leurs clients. La mauvaise gestion, la corruption ou le détournement de fonds sont autant de facteurs pour lesquels ces plateformes centralisées s’effondrent souvent de manière spectaculaire.
En 2014, Mt.Gox était le plus grand échange de Bitcoins, réalisant plus de 70 % de toutes les transactions de Bitcoin à son apogée, avant de perdre plus de 650 000 BTC de ses réserves à la suite d’un simple piratage.
4 ans plus tard, en 2018, la plateforme d’échange canadienne QuadrigaCX a connu un sort similaire lorsque son fondateur, Gerald Cotton, a été soudainement déclaré mort, emportant avec lui le seul enregistrement des clés privées du compte principal de Quadriga.
Enfin, comment oublier l’effondrement le plus important et le plus récent de Sam Bankman Fried et de sa plateforme d’échange FTX. Valorisée à plus de 40 milliards de dollars à l’époque, la plateforme d’échange s’est effondrée en l’espace de quelques jours, entraînant dans sa chute une grande partie du secteur.
L’histoire serait-elle différente avec les banques ?
Sans aucun doute. Les banques opèrent sur un marché fortement réglementé et disposent en outre de l’avantage d’être soutenues par le gouvernement fédéral et le Fonds de garantie des dépôts bancaires FDIC. Ce dernier, après l’effondrement des banques régionales au début de l’année, a puisé de manière illimitée dans ses réserves. Bien que le Fonds de garantie des dépôts bancaires FDIC ne couvre pas les cryptomonnaies, les banques seraient en fin de compte renflouées pour couvrir toute perte potentielle.
La plus grande inquiétude concernant la conservation de Bitcoins dans une banque est la capacité de cette dernière à exploiter les informations relatives à la lutte contre le blanchiment de capitaux et à la connaissance client pour geler ou saisir vos Bitcoins. Il suffit de regarder l’exemple du Canada pour voir qu’il ne s’agit pas d’une simple hypothèse. Le gouvernement canadien a en effet gelé plus de 200 comptes bancaires lors de la manifestation du « convoi de la liberté » de 2022. Il n’y a aucune raison de croire qu’il ne ferait pas de même avec les Bitcoins d’un individu, si l’occasion se présentait.
Conclusion
En fin de compte, l’endroit où vous stockez vos Bitcoins n’a pas d’impact sur la technologie sous-jacente ou l’objectif du Bitcoin lui-même. Il a en revanche un impact sur la résistance à la censure et la capacité à confisquer les actifs d’un individu, sans toutefois toucher aux principes fondamentaux de la technologie.
Le Bitcoin continuera d’ajouter des blocs à la chaîne, que les transactions proviennent d’une banque, d’une plateforme d’échange centralisée ou d’une personne qui fait de l’auto-détention. De même, le stockage de Bitcoins dans une banque ne modifie pas les principes fondamentaux sur lesquels repose l’existence de Bitcoin.
Toutefois, si le fondateur de Bitcoin décide de pointer du doigt l’infrastructure bancaire comme la principale raison d’être de Bitcoin, nous devrions peut-être l’écouter. Après tout, un adage ne dit-il pas « Pas vos clés, pas vos Bitcoins » ?